Hayti face au futur : L'Identité en Mouvement, entre Héritage et Innovation
- ISEMANA JÉRÔME
- Oct 7
- 4 min read
Dans un monde hyper-connecté, l'identité haïtienne, riche mosaïque tissée de proverbes créoles, de rythmes vodou et d’artisanat ancestral, est confrontée au défi de la modernité. Comment ce socle culturel peut-il non seulement résister aux vents de la mondialisation, mais aussi servir de tremplin à une jeunesse inventive, avide de changement et de développement inclusif ? C'est à cette question fondamentale qu'a tenté de répondre la dernière édition de l’événement « Yon Jou pou Hayti ».
Le Ritz Kinam 2, Carrefour de l'Engagement
Le samedi 27 septembre 2025, le Ritz Kinam 2 a servi de cadre à l'édition mensuelle de Yon Jou pou Hayti, créant une atmosphère à la fois feutrée et vibrante. La journée a été lancée sous l'égide du maître de cérémonie Jean Gardy CHARLES, avant que l'hymne officiel, proclamé par Youry VIXAMAR, ne rappelle l'engagement profond envers la patrie.
Le discours d'ouverture de Jefferson BRESIL, président de la fondation, a marqué l'orientation de l'événement. Son appel à l'unité, empreint de gratitude et de vision, a positionné cette journée comme une célébration de la diversité haïtienne et de sa puissance créatrice, jetant les bases d’une réflexion sur l'avenir.
L'Héritage comme Ancrage
L'identité haïtienne ne saurait être abordée sans un profond respect pour ses racines. Au centre de l'espace, un autel soigneusement dressé – orné de tissus, de symboles vodou, de feuilles sacrées et de calebasses – a servi de puissant lieu de recueillement. Plus qu'un simple décor, cet aménagement symbolisait le pont entre l'histoire, la mémoire ancestrale et les aspirations futures.
L’immersion culturelle s’est poursuivie avec une bande-son originale : des musiques traditionnelles, des chants sacrés et des souffles vodou diffusés, remplaçant la présence physique des tambours pour tisser un lien sonore entre les participants et les ancêtres.
Un temple symbolique a rendu hommage aux Taïnos, les premiers habitants de l'île, en honorant quatre figures emblématiques : Guacanagaric, le chef diplomate ; Anacaona, poétesse et reine martyre ; Cayacoa, figure de la mémoire guerrière ; et Le Marien, symbole de résistance. Cet hommage a souligné une lecture d'Haïti non pas comme une terre de fractures, mais comme une mosaïque vivante où chaque élément – culture, croyance, langue – contribue à la richesse du tout.
Le Savoir-faire Local au Sommet
Le marché 100 % local a incarné de manière éclatante le thème de l'événement : « Diferans nou se fòs nou » (Nos différences font notre force). Les couloirs du Ritz Kinam 2 se sont transformés en une vitrine de l’ingéniosité haïtienne.
L'artisanat s'est distingué par des bijoux sculptés, des sandales et vêtements ornés de motifs culturels forts. Sur le plan des saveurs, c'était un véritable festin des racines : des cocktails artisanaux au crémas, des cassaves croustillantes aux délices oubliés comme le chanmchanm mayo et le laye. Chaque produit, remis à l'honneur, racontait une histoire de passion et de fierté, témoignant d'une volonté de créer localement avec les ressources de la terre.
Dialogues pour l'Avenir
L'après-midi a été structuré autour de panels de discussion dynamiques, tissant des ponts entre l'héritage et l'impératif du développement.
Le premier panel, modéré par M. Esdras, s'est penché sur « Langues, croyances et traditions : la mosaïque qui fait l’âme haïtienne ». Vélina Élysée Charlier, mambo engagée, a mis en lumière la coexistence des langues et la richesse des spiritualités (vodou, christianisme, spiritualités autochtones) comme socle de la cohésion nationale. Une phrase résume l'idée maîtresse : « Se pa inifòmite ki fè n solid. Se kapasite nou pou respekte sa ki diferan. » (Ce n'est pas l'uniformité qui nous rend solides, c'est notre capacité à respecter ce qui est différent).
Le second panel, animé par Stéphanie Phanor, a réuni Mulledina Clerger et Pascal Ben Marley pour débattre de la « Diversité économique, droit et développement inclusif ». Les échanges ont exploré le potentiel inexploité du tourisme communautaire et culturel, soulignant l'urgence de l'accès au droit pour tous et le rôle crucial de la jeunesse dans la création de modèles économiques durables. La conviction était claire : « Inklizyon pa favè. Se jistis. Se devlopman ki pa kite pèsonn dèyè. » (L'inclusion n'est pas une faveur. C'est la justice. C'est le développement qui ne laisse personne derrière.)
Ces discussions ont affirmé une même conviction : l’avenir d’Haïti se construira non pas en dépit de ses différences, mais grâce à elles.
Un Mouvement, Pas Juste un Événement
En conclusion de cette journée, l’équipe de Yon Jou pou Hayti a adressé ses remerciements aux partenaires, artisans, intervenants, et bénévoles. Leur engagement a été salué comme une lumière essentielle sur le chemin de la reconstruction culturelle et citoyenne.
Le message final s'est voulu un appel vibrant : « Yon pèp ki pa bezwen sanble pou mache ansanm » (Un peuple qui n'a pas besoin de se ressembler pour marcher ensemble). L'invitation est lancée à tous ceux qui n'ont pas encore rejoint le mouvement : « Venez vivre l’expérience. Venez déposer votre voix, votre vision, votre vibration. »
Yon Jou pou Hayti s'affirme bien plus qu'une rencontre mensuelle : « Se pa yon evènman, se yon mouvman. Se pa yon rasanbleman, se yon relèv. » (Ce n'est pas un événement, c'est un mouvement. Ce n'est pas un rassemblement, c'est une relève.)








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