top of page
Search

Haïti : l’hôtel Oloffson, un pan de mémoire nationale parti en fumée sous les feux des gangs Viv Ansanm

ree

Port-au-Prince, 8 juillet 2025 — Le cœur de la mémoire haïtienne a pris feu dans la nuit du 5 au 6 juillet. L’hôtel Oloffson, situé à Carrefour-Feuilles, a été incendié par la coalition criminelle Viv Ansanm. Un acte brutal qui dépasse la simple destruction matérielle : c’est un pan de l’histoire collective qui s’est consumé sous les flammes, au mépris des valeurs patrimoniales et culturelles du pays.


Bien plus qu’un hôtel, un sanctuaire de mémoire


Les fondations de l’hôtel Oloffson remontent à 1896, sous l’initiative de Demosthène Simon Sam, fils du président Tirésias Simon Sam. À l’époque, la bâtisse n’était qu’une somptueuse résidence familiale, qui abrita les Sam jusqu’à l’occupation américaine en 1915. Durant cette période troublée, le bâtiment fut converti en hôpital militaire pour les troupes américaines.


À la fin de l’occupation, en 1935, le lieu changea de vocation et de mains. Loué au capitaine de marine suédoise d’origine allemande, Werner Gustav Oloffson, celui-ci le transforma en un hôtel qui porta dès lors son nom : l’Hôtel Oloffson. Ce lieu d’exception deviendra au fil des décennies un refuge pour artistes, écrivains, diplomates et voyageurs en quête d’inspiration et d’histoire.


En 1987, au lendemain de la chute de la dictature des Duvalier et après des années de léthargie imposées par la répression politique, Richard A. Morse, influencé par son demi-frère Jean Max Sam, reprit la direction de l’hôtel. Sous sa houlette, l’établissement retrouva sa vigueur et devint un véritable haut lieu culturel où musique et traditions haïtiennes se mariaient au rythme de RAM, groupe musical fondé par Morse lui-même et devenu icône de la scène Rasin Mizik.


Au fil du temps, l’hôtel a accueilli de grandes figures internationales : Graham Greene, qui y puisa l’inspiration de son célèbre roman The Comedians, Mick Jagger, Jacqueline Kennedy Onassis et tant d’autres. Entre résidence présidentielle, hôpital militaire, hôtel de prestige et espace culturel, l’hôtel Oloffson a marqué le quotidien et la mémoire de plusieurs générations d’Haïtiens


Un symbole anéanti, des souvenirs ravivés


L’annonce officielle de l’incendie par Richard A. Morse sur son compte X a provoqué un torrent d’émotions et d’indignations. Les réseaux sociaux ont vite été inondés de témoignages et de photos anciennes, vestiges des souvenirs heureux vécus dans ce lieu mythique. Nombreux sont ceux qui y voient plus qu’un simple incendie : un acte délibéré s’inscrivant dans une volonté de démantèlement de l’identité haïtienne par la destruction de ses symboles.


“Ils brûlent notre histoire, effacent nos repères, et laissent nos mémoires orphelines”, écrivait un internaute, visiblement marqué par la disparition de cet édifice.


La société haïtienne, dans sa quasi-totalité, a dénoncé avec fermeté ce crime contre le patrimoine national. La Primature haïtienne, via une note officielle publiée sur X, a également exprimé sa condamnation de cet acte odieux, qu’elle qualifie de d'atteinte à la culture haïtienne.




L’incendie de l’hôtel Oloffson ne se limite pas à une perte matérielle. Il incarne le drame d’une nation en quête de mémoire et de réconciliation avec elle-même. Dans un contexte où les gangs imposent leur loi et où les institutions peinent à sauvegarder les repères communs, ce sinistre s’ajoute à la longue liste des blessures infligées à l’âme haïtienne.


Alors que les ruines fumantes de l’hôtel rappellent l’urgence de protéger ce qu’il reste du patrimoine haïtien, c’est toute une génération qui pleure la disparition d’un lieu où le passé et le présent dialoguaient encore. Un espace où la culture, la musique et l’histoire s’entremêlaient, et où Haïti pouvait, le temps d’une soirée, se souvenir d’elle-même.

 
 
 

Comments

Rated 0 out of 5 stars.
No ratings yet

Add a rating

© 2024  FERAY MARKETING GROUP S.A / ALL RIGHTS RESERVED 

bottom of page