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Rentrée scolaire en Haïti : le mensonge d’État ne fait pas classe


1. Une rentrée proclamée, mais invisible

Haïti s’éveille une nouvelle fois dans l’incertitude entre les promesses politiques et les désillusions d’un peuple lassé.Le 1er octobre 2025, le gouvernement haïtien a annoncé la rentrée scolaire comme s’il s’agissait d’un rituel administratif immuable. Pourtant, dans les rues de Port-au-Prince comme dans de nombreuses communes du pays, les écoles publiques sont fermées, les enseignants absents, et les enfants errent sans repères. Cette rentrée n’a pas eu lieu dans les faits. Elle n’existe que dans les communiqués officiels. Ce décalage entre la parole de l’État et la réalité vécue par les familles révèle une profonde crise de légitimité. L’école ne peut pas être une fiction institutionnelle répétée chaque année pour sauver les apparences.

2. Le mirage des subventions et des chiffres officiels

Chaque année, les autorités annoncent la distribution de kits scolaires, de manuels, de bancs, et de subventions. Mais sur le terrain, ces promesses restent invisibles. Les parents ne reçoivent rien. Les enseignants ne voient aucun matériel. Les élèves n’ont ni cahiers ni livres. Ces annonces sont des chiffres sans visage, des slogans sans substance. Pire encore, la prétendue gratuité scolaire est une illusion; les frais annexes ( uniformes, fournitures, transport, sécurité ) sont entièrement à la charge des familles. L’État se déresponsabilise tout en prétendant agir. Ce mirage budgétaire entretient une confusion dangereuse entre communication politique et action publique réelle.

3. Un système éducatif abandonné et fracturé

L’école haïtienne souffre d’un abandon structurel. Les enseignants ne sont pas payés depuis des mois. Les stagiaires de l’École Normale sont ignorés sans encadrement ni perspectives. Les écoles publiques sont transformées en abris pour déplacés ou en zones de non-droit où ni l’ordre ni la pédagogie ne peuvent s’installer. Le Ministère de l’Éducation ne propose aucune réforme, aucun plan de redressement, aucune stratégie de sortie de crise. Il se contente de répéter des slogans creux. Ce vide institutionnel fragilise l’ensemble du système éducatif et expose les enfants à une déscolarisation massive et durable.

4. Des inégalités territoriales criantes

La rentrée scolaire ne se vit pas de la même manière selon qu’on habite Pétion-Ville, Hinche, ou Martissant. Dans certaines zones urbaines privilégiées, les écoles privées rouvrent leurs portes parfois avec des moyens limités mais une volonté affirmée. Dans les quartiers populaires et les zones rurales, l’école est absente, inaccessible ou détruite. Cette fracture territoriale transforme l’éducation en privilège géographique. Elle creuse les inégalités sociales et compromet l’universalité du droit à l’instruction. L’État ne propose aucun mécanisme d’équité pour compenser ces disparités. Il laisse les communautés livrées à elles-mêmes.

5. L’absence de vision et de plan national

Au-delà des urgences, ce qui manque cruellement, c’est une vision éducative nationale. Aucun plan de relance n’est présenté. Aucun calendrier de reconstruction des écoles. Aucune stratégie pour former, motiver et stabiliser les enseignants. L’État ne propose ni réforme curriculaire, ni politique d’inclusion, ni mécanisme de suivi. Il navigue à vue, dans l’improvisation permanente. Restaurer l’autorité de l’école, comme le prétend le ministère, suppose d’abord de restaurer la confiance, la sécurité, et la dignité. Or, ces piliers sont absents. L’école ne peut pas fonctionner sans cap, sans projet, sans ambition collective.

6. Les enfants déplacés, oubliés du discours

Des milliers d’enfants haïtiens vivent aujourd’hui dans des camps, des maisons de fortune, ou sont séparés de leurs familles à cause de la violence armée. Ils sont traumatisés, déscolarisés, invisibles. Aucun programme psychopédagogique n’est prévu pour les accompagner, les réintégrer, les protéger. Le ministère ne propose ni recensement, ni plan d’accueil, ni soutien spécifique. Ces enfants sont les grandes victimes silencieuses de la crise. Ignorer leur sort, c’est condamner une génération entière à l’exclusion. L’école doit être un refuge, un lieu de reconstruction, pas un espace inaccessible.

7. Une école sans dialogue, sans respect

La relation entre l’État et les acteurs éducatifs est marquée par le mépris et le silence. Les syndicats sont ignorés. Les enseignants sont humiliés. Les directeurs d’écoles sont livrés à eux-mêmes. Les stagiaires sont exclus du débat. Aucun dialogue social n’est engagé. Aucune concertation territoriale n’est menée. Comment bâtir une école forte sans respect mutuel ? L’éducation ne peut pas se faire contre ceux qui la portent. Elle doit se faire avec eux, dans la transparence, la reconnaissance et la co-construction. Le mépris institutionnel est un poison lent qui détruit la motivation et la cohésion du système.

8. L’urgence d’une refondation éducative

Il ne s’agit plus de réparer ponctuellement. Il faut refonder. Repenser les contenus, les structures, les moyens. Revaloriser le métier d’enseignant. Reconstruire les écoles avec des normes de sécurité et de dignité. Intégrer les enfants déplacés. Territorialiser les politiques éducatives pour répondre aux réalités locales. L’école doit redevenir un projet national, porté par tous les secteurs que ce soit  public, privé, communautaire. Sans cette refondation profonde, aucune rentrée ne sera possible. L’éducation ne peut pas être un slogan. Elle doit redevenir un droit, garanti et protégé.

9. Mobiliser pour que l’école redevienne un droit

Face à ce constat, nous ne pouvons pas rester silencieux. Il faut une mobilisation citoyenne, une prise de conscience collective, un engagement durable. L’éducation est la clé de la reconstruction nationale. Elle ne peut pas être reléguée au second plan. Elle doit être au cœur du projet républicain. Nous appelons les familles, les enseignants, les organisations sociales, les médias et les autorités locales à exiger des réponses, à construire des alternatives, à défendre l’école comme bien commun. Car sans école, Haïti n’aura ni avenir, ni république.




 
 
 

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